Els Janssens voix

Avec les chanteuses Sandra Bessis, Els Janssens Au Moyen-Àge, s’il fallait bien plus de temps qu’aujourd’hui pour voyager, les frontières étaient pourtant plus perméables qu’en ce 21e siècle : les frontières géographiques, et celles qui bornent les esprits et les cœurs. En ces temps, on a beaucoup cheminé entre Pays d’Oc et pourtour de la Méditerranée, Orient et Espagne. Temps de guerres et de croisades, mais aussi de pèlerinages et d’échanges : à Tolède, musiciens juifs, chrétiens et musulmans participent de concert à la composition des Cantigas de Santa Maria, et à Cordoue, des femmes ont écrit des poèmes, se sont adonnées à la philosophie. C’est donc à une évocation de ces temps dont le territoire occitan porte la marque, entre chapelles, églises, octrois et tours de garde, à une balade, à une songerie que Sandra Bessis et Els Janssens invitent les spectateurs, au cours de ce concert. En mettant le verbe et le sens au cœur de leur spectacle, les deux chanteuses s'aventurent ainsi partiellement sur les mêmes chemins et époques, se nourrissant de leurs traditions et de leurs interprétations complémentaires. Sefarad est l’ancien mot hébreu désignant l’Espagne… De la Cour d’Alfonse X, roi de Castille, où furent composées au 13ème siècle les célèbres cantigas de Santa Maria, au monastère de las Huelgas, jusqu’aux juderias de l’Andalousie médiévale, nous arpenterons les chemins qui conduisent de Cordoue, où les poètes arabes écrivirent leurs plus beaux vers, célébration de la beauté et de l’amour, vers les marches de l’Empire Ottoman ou du Maghreb, lieux de la diaspora juive après l’expulsion d’Espagne à la fin de la Reconquête chrétienne. Le concert est épuré, puisque la voix y est a cappella, parfois ponctuée par une percussion digitale, une clochette. Il alterne voix parlée et chantée, solos et duos, odes à la Vierge ou monodies de Las Huelgas, chants de la tradition poétique judéo-espagnole ou arabo-andalouse, et d’autres compositions plus récentes issues du répertoire séfarade. Les chants interprétés ici sont aussi un hommage rendu à la figure de la femme : le monastère de Las Huelgas, jusqu'à nos jours un couvent de moniales cisterciennes, aurait abrité une chorale de cent femmes. Et pour ce qui est de la tradition des chants séfarades, essentiellement orale, les femmes en permirent la perpétuation au cours des siècles, la mère à l’oreille de sa fille, de génération en génération… Les langues ici se côtoient, les rythmes, les émotions et même les styles. On y entendra le latin, le judéo-espagnol ou l’espagnol, l’hébreu, l’arabe, le galicien et peut-être quelques mots de turc. Le concert sera suivi d’un échange entre les artistes et les spectateurs.